Proprio coupable de harcèlement: Incapable d'empêcher son locataire de fumer du cannabis médical
Proprio coupable de harcèlement: Incapable d'empêcher son locataire de fumer du cannabis médical
Le propriétaire devra même verser 5000$ au fumeur
Camille Rizkallah, un locataire vivant dans cette tour résidentielle au centre-ville de Montréal, a réussi à faire condamner son proprio pour harcèlement puisque celui-ci voulait l'empêcher de fumer son cannabis médical dans son appartement. Francis Pilon / Le Journal de Montréal
Francis Pilon
Jeudi, 28 novembre 2024 15:30
Un propriétaire de Montréal s’est fait couper l’herbe sous le pied par une juge qui l’a condamné pour avoir harcelé un locataire en voulant lui interdire de fumer son cannabis médical.
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«Son corps et la douleur qui l’affligent ne lui permettent pas de sortir sur le trottoir pour fumer son cannabis médical. Une interdiction de fumer celui-ci dans son logement causerait un préjudice au locataire», conclut la juge Vanessa O’Connell-Chrétien, du Tribunal administratif du logement (TAL).
Dans sa récente décision, on apprend que le locataire Camille Rizkallah souffre de graves problèmes de dos, qui lui ont permis d’obtenir une ordonnance pour du pot médical. Il fume donc de la marijuana dans son logement situé au centre-ville de Montréal depuis 2014. Akelius Montréal Ltd, l’entreprise qui a acheté en 2018 son immeuble de 13 étages, a par la suite tenté à moult reprises de lui interdire de fumer des joints.
La tour de 13 étages, rue De La Montagne, où réside M. Rizkallah depuis 2014. Francis Pilon / JdeM
Rizkallah a finalement demandé au Tribunal d’émettre une ordonnance pour que son proprio le laisse consommer en paix.
«Le locataire bénéficie d’un droit à être accommodé en raison de l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne en raison du fait qu’il est nécessaire pour lui, afin de pallier son handicap, de fumer, une quantité établie par un professionnel de la santé», a tranché la juge, en lui donnant raison.
Il devra payer
Le TAL a ensuite reconnu coupable de harcèlement Akelius Montréal Ltd, dont le dirigeant du bureau de Montréal est Julio Viana.
Julio Viana, à la tête de la compagnie Akelius Montréal Ltd, a décliné la demande d'entrevue du Journal au sujet de leur locataire fumant du cannabis médical. Capture d'écran du site web akelius.com
«Le Tribunal conclut que les faits et gestes reprochés posés par le propriétaire constituent du harcèlement puisque, à répétition, ceux-ci visaient à ce que le locataire cesse de fumer du cannabis médical dans son logement alors qu’il s’agit d’une mesure dont il a besoin pour pallier son handicap», écrit Vanessa O’Connell-Chrétien.
Akelius Montréal Ltd devra verser 5000$ pour avoir «harcelé» Camille Rizkallah en lui demandant, à tort, de cesser de fumer ou de quitter son logement.
Julio Viana a décliné notre demande d’entrevue puisque ce dossier est toujours étudié par ses conseillers juridiques. La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) a aussi refusé de commenter cette décision du TAL.
Ses voisins inquiets
Le Journal s’est rendu cette semaine dans la tour résidentielle où vit le locataire, mais ce dernier n’était pas sur place.
Des voisins de M. Rizkallah craignent désormais que d'autres locataires de l'immeuble fument du cannabis, en raison de ce jugement. Francis Pilon / Le Journal de Montréal
Deux voisins de Camille Rizkallah, qui préfèrent taire leur nom par crainte de représailles, ont confié à notre représentant qu’ils craignent désormais que leur immeuble «empeste encore plus le pot».
«On comprend qu’il a un handicap, mais on n’a pas à respirer sa fumée secondaire et gâcher notre santé. Il y a plusieurs étudiants de l’Université McGill et Concordia dans l’immeuble, on va faire quoi si tout le monde se met à fumer chez eux grâce aux tribunaux?», s’exclame l’un d’entre eux.
Un vingtenaire s’inquiète surtout du précédent que crée cette décision du TAL. «Il pourrait au moins consommer du cannabis avec un vaporisateur plutôt que de le fumer, on ne le sentirait pas au moins», note-t-il.
Nos demandes d’entrevue avec M. Rizkallah sont restées sans réponse cette semaine.
Pourquoi la Charte lui permet-elle de fumer du cannabis?
La juge du TAL a reconnu le problème de dos de Camille Rizkallah comme un «handicap» au sens de la Charte des droits et libertés de la personne.
L’article 10 de cette Charte lui donne donc «un droit à être accommodé» afin de pallier ses douleurs, soit de fumer du cannabis dans son logement.
AFP
Notons que cet article de la Charte est aussi utilisé lorsqu’une personne malvoyante, par exemple, a besoin d’un chien Mira pour pallier son handicap. Elle pourra donc vivre avec un chien dans son logement, même si un proprio interdit normalement tous les animaux dans un bail.
Notons qu’un propriétaire peut, dans le bail, interdire la consommation de cannabis récréatif.
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