Alcool + anorexie = alcoolorexie. Nouveau mode d'alcoolisation ou néologisme abusif ?

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L'intoxication alcoolique aiguë est dangereuse. Encore plus si elle est provoquée très rapidement ; et si elle se répète fréquemment. Elle cumule les risques immédiats de l'ivresse (violences verbales et physiques, accidents, désinhibitions diverses…) et les troubles résiduels (mémoire, apprentissage, démotivation, lésions neuronales, risque de dépendance…). Sans parler du coma.

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Modifié le 27-10-2011 à 14h56
Alcool + anorexie = alcoolorexie. Nouveau mode d'alcoolisation ou néologisme abusif ?

LE PLUS. Une nouvelle tendance aurait émergé : l'alcoolorexie, qui consiste à manger moins pour boire plus, particulièrement pratiquée par les filles. Faut-il s'en inquiéter ou plutôt rechercher les causes de cette biture express ? Réponse avec Pierre Veissière, psychosociologue et auteur de "Kit de secours pour alcoolique" (Grrr...art Editions).

Par Pierre Veissière psychosociologue
Edité par Amandine Schmitt Auteur parrainé par Aude Baron

L'inventivité langagière ne connait pas le repos. Une nouvelle conduite d'alcoolisation rapide aurait surgi, dénommée "alcoolorexie", télescopage d'alcool et d'anorexie. Il y a des mots-valise qui s'incorporent dans le langage courant, parce qu'ils apportent un sens nouveau (modem, courriel, franglais, informatique…). Mais "alcoolorexie" est une enveloppe vide, un néologisme insignifiant (*). Qu'est ce que l'anorexie, évocatrice de maladie grave, mais rare, vient faire dans un contexte de masse, de biture express ? Quel lien avec l'hyperalcoolisation ? Aucun.

Il paraît que des femmes (seulement ?), en prévision d'une soirée arrosée, s'abstiennent de manger pour ressentir plus vite les effets de l'ivresse. Elles sautent un repas. Ce n'est pas une perte d'appétit, ni un régime, ni une maladie mentale. C'est adapté au but, l'inverse de la randonnée où l'on prend un copieux petit déjeuner avant de partir. Ici on prend un rien aérien, pour que l'absorption d'alcool ne soit pas ralentie par la nourriture. Mais ce n'est pas une conduite, juste une astuce, un perfectionnement. Ça ne les fera pas maigrir. Et l'effet recherché, "la défonce", se produira plus vite.

L'intoxication alcoolique aiguë est dangereuse. Encore plus si elle est provoquée très rapidement ; et si elle se répète fréquemment. Elle cumule les risques immédiats de l'ivresse (violences verbales et physiques, accidents, désinhibitions diverses…) et les troubles résiduels (mémoire, apprentissage, démotivation, lésions neuronales, risque de dépendance…). Sans parler du coma.

Il est normal qu'elle préoccupe les autorités sanitaires, que l'OMS et les organismes de prévention essaient de dissuader la population de s'adonner au binge drinking en s'adressant à la composante raisonnable du consommateur. Mais le consommateur n'est pas que raisonnable. Cohabitent aussi, chez certains, un joueur, un fou, un risque-tout, un avide de plaisirs à tout prix, un épris d'anéantissement temporaire, un amateur de drogue forte, un membre d'un groupe qui boit de l'alcool.

L'aspect sanitaire n'est pas le seul à considérer dans la tendance de la population à s'alcooliser. La psychologie, les mœurs, le plaisir, le défoulement, l'influence de l'entourage immédiat, l'association à l'idée de fête ont un poids important. Tous les participants prennent des risques dans les parties de "défonce minute". Les adolescents et les femmes principalement ; ceci paraît d'ailleurs inhérent à l'émancipation.

Les adolescents boivent pour expérimenter de nouvelles sensations, éliminer leur malaise, faire comme les copains et accéder à l'âge adulte. C'est un comportement très répandu : à 17 ans, 57% d'entre eux ont déjà été ivres.

Les adolescents ont besoin de tester leur limites, de transgresser. Boire de l'alcool est un des moyens. Dangereux certes ; mais vouloir éliminer tout risque, tout le temps, est irréaliste. L'ado a besoin de se frotter au danger. Il faut espérer que ça ne tourne pas mal. Mais il y a forcément des ratés. Pour les minimiser, une vigilance parentale chaleureuse et exigeante protègera, efficacement, une grande partie des jeunes gens.

Les femmes qui accèdent de plus en plus à l'égalité avec les hommes, en imitent les prérogatives, même nocives : fumer, boire, stresser au travail.… Le féminisme conquiert, et recopie, scories incluses.

La biture express n'est pas le top de l'ingestion d'alcool. Mais ce choix en dit long sur l'impression d'absurdité procurée par les sociétés. Le tout tout de suite, l'idolâtrie de l'immédiat, sans préliminaires, le besoin de faire sauter les couvercles, l'impression d'invulnérabilité personnelle, la pression marchande, tout concourt à une consommation sans retenue d'une fraction de la population.

Jouir sans entraves, et sans conséquences, ne constitue pas un programme d'action solide et généralisable. Mais endurer l'absence de sens, sans soupape, non plus. Le binge drinking est une manifestation nihiliste. Il reste à trouver des idéaux, des repères de qualité pour dissoudre la détresse dont il témoigne.

(*) Je ne suis pas du tout fâché avec les mots-valise. Il y en a de très amusants et ingénieux, pour la beauté de la rencontre.

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