Le Bloc Pot lance son programme pour la décriminalisation du cannabis

La Presse, lundi 14 septembre 1998, p. A6
Marie-Claude Girard

Quel parti peut se vanter de résumer son programme en quatre pages? Le Bloc Pot y arrive, avec un objectif unique : instaurer une politique de tolérance à l'égard de l'usage et de la culture du cannabis à des fins personnelles, pour parvenir à long terme, à la légalisation pleine et entière de la drogue.

Née à la blague, l'idée d'un parti voué à l'arrêt de la répression contre les utilisateurs de marijuana est devenue si sérieuse que le fondateur et chef du Bloc Pot, Marc St-Maurice, a présenté hier son programme, en compagnie de dix autres candidats aux prochaines élections provinciales. Ceux-ci, dans la vingtaine pour la plupart, sont étudiants, musiciens, électricien ou propriétaire d'une boutique de produits de chanvre.

«C'est sûr que les jeunes ont moins à perdre», indique le chef du 18e parti provincial dûment autorisé. «Mais c'est une question qui est rendue transgénérationelle.» Bien des gens qui ne veulent pas se prononcer publiquement pourront lancer un message par un vote secret, explique-t-il. «C'est un moyen de pression populaire», dit-il, citant en exemple les suffrages obtenus par un parti politique néo-zélandais voué au même but.

Ainsi, le parti n'espère pas tant faire élire un ou des députés que d'aller chercher une parti du vote. «Les fédéralistes comme les nationalistes fument.»

Considérant que l'illégalité du cannabis est plus dommageable pour la société - et les utilisateurs - que l'usage même de la drogue, le Bloc Pot cherche à faire instaurer au Québec une politique de non-intervention policière en cas de possession et culture de cannabis à des fins personnelles. Par la suite, le Québec devrait négocier avec le gouvernement fédéral pour faire retirer la plante de la liste des drogues interdites.

«Ce n'est pas seulement une gang de «poteux» qui veulent décriminaliser leur drogue de fin de semaine. Il y a vraiment des bases légales, sociales, médicales», précise une des membres du parti, Caroline Bergeron. «Il faut comparer les effets du cannabis sur la santé à ceux de l'alcool.»

Le parti se défend de vouloir faire la promotion du cannabis et de ses dérivés. Il prône plutôt une consommation responsable, à l'image des campagnes d'éducation à l'alcool. Pas question non plus d'agir dans le domaine des drogues dures.

Le programme du Bloc nouveau genre mentionne, entre autres avantages, que la légalisation du pot priverait le crime organisé d'une partie de ses revenus, éviterait que les consommateurs ne soient incités à consommer des drogues plus nocives par des revendeurs peu scrupuleux, faciliterait la production de chanvre industriel, permettrait aux malades de se procurer du cannabis de qualité. Parmi les avantages économiques, on souligne l'attrait certain que représenterait alors le Québec pour une «multitude de touristes étrangers».

Le Bloc Pot, dont le membership dépasse les 215 membres, selon ses dirigeants, espère présenter des candidats dans tous les comtés aux prochaines élections générales.