Le baptême incomplet

Au cours des premiers siècles de notre ère, des groupes gnostiques chrétiens comme les archontiques, les valentiniens et les séthiens ont rejeté le baptême à l’eau, l’appelant un « baptême incomplet » [9]. Dans l’Évangile de la vérité, le baptême à l’eau est rejeté, et on mentionne le fait que Jésus n’a baptisé aucun de ses disciples [3].

Être « oint de l’onction indicible », le soi-disant « enduit » dont parlent les textes gnostiques, peut être compris comme un événement concret. « Il y a une eau dans une eau, il y a un feu dans un chrême » (Évangile selon Philippe). « L’onction avec l’huile était l’introduction du candidat vers la béatitude éternelle, donc devenir un Christ » [10]. « L’huile comme signe du don de l’Esprit était tout à fait naturelle dans un cadre sémitique, et cette cérémonie est probablement très ancienne… Avec le temps, le sens biblique s’est obscurci » [13].

Les descriptions gnostiques des effets du rite d’onction qui ont survécu expriment très clairement que l’huile sacrée avait des propriétés psychoactives intenses, qui préparaient le récipiendaire à entrer dans le « bonheur sans fin ». Dans certains textes gnostiques, comme la Pistis Sophia et les Livres de Jeu, « l’onction spirituelle » est un prérequis pour entrer dans les plus hauts mystères [10].

Dans l’Évangile selon Philippe, il est écrit que l’initié du rite vide du baptême :

« descend dans l’eau et en ressort sans avoir rien reçu… Le chrême (onction) est supérieur au baptême, car nous nous appelons “chrétiens” à cause du chrême, et non à cause du baptême. Et c’est à cause du chrême qu’on a donné son nom au Christ. Car le Père oignit le Fils, le Fils oignit les apôtres, et les apôtres nous oignirent. [Ainsi] celui qui a reçu le chrême possède toute chose. Il possède la résurrection, la lumière, la croix… Car celui-là n’est plus un chrétien, mais un Christ. »

De façon similaire, l’Évangile de la Vérité indique que Jésus est précisément venu parmi eux :

« afin qu’il puisse les oindre avec une “onction” d’huile. L’onction est la compassion du Père… ceux qu’il a oints sont les parfaits. »

Le livre apocryphe des Actes de Thomas fait référence aux effets enthéogènes de l’onction comme dérivant précisément d’une certaine plante :

« Huile sainte qui nous a été donnée pour notre sanctification, mystère caché dans lequel la croix nous a été montrée, tu es le redresseur des membres incurvés, Tu es celui qui rabaisse les exploits orgueilleux, Tu es celui qui montre les trésors cachés, Tu es le rejeton de la gentillesse. Viens, puissance du Très-Haut. »


[3] Kurt Rudolph, Gnosis: The Nature and History of Gnosticism, Harper, San Francisco, 1987
[9] The Paraphrase of Shem
[10] GRS Mead, Fragments of a Faith Forgotten: Some Short Sketches Among the Gnostics of the First Two Centuries, Theosophical Publishing Society, Londres et Benares, 1900
[13] Henry Chadwick, The Early Church, Pelican Books, 1967