La réglementation mène à un scénario de marijuana à grande échelle
Un oligopole est né, on l'appelle Big Marijuana
Utiliser des preuves pour parler du cannabis
- L’émergence de marchés réglementés pour le cannabis récréatif a été accompagnée d’allégations que ces changements de politiques mèneraient à de vastes industries à but lucratif, peu surveillées et peu soucieuses de la santé et de la sécurité publiques. En plus de n’être aucunement appuyée par des preuves scientifiques et d’être fondée sur de la spéculation, cette allégation tient pour acquis un contrôle gouvernemental moindre que ce qui est possible en vertu de la réglementation du cannabis.
- Les inquiétudes que la réglementation mène à une industrie massive de commercialisation sont issues de l’hypothèse que le cannabis suivra une trajectoire similaire à celle du tabac (T. Hughes, 2015). Dans les décennies passées en Amérique du Nord, l’industrie du tabac a pris part à de vastes campagnes publicitaires (visant surtout les jeunes) et à une tromperie quant aux risques de l’usage pour la santé. L’usage du tabac a ainsi augmenté jusqu’à devenir une source importante de conditions de santé et de mortalité évitables (Richter et Levy, 2014). Tenir pour acquis que l’industrie du cannabis suivra les traces de celle du tabac est, cependant, une simple supposition, qu’aucune preuve scientifique n’appuie. Étant donné l’expérience préalable avec le tabac, il est tout aussi probable, sinon plus, que les gouvernements prendront des mesures de plus grande envergure pour s’assurer que les règlements favorisent une industrie du cannabis qui soit responsable.
- Un scénario de « marijuana à grande échelle » n’est aucunement une conséquence inévitable d’un marché réglementé pour le cannabis récréatif. En permettant aux gouvernements de contrôler les conditions dans lesquelles le cannabis est vendu, les modèles réglementaires qui évitent de résultat peuvent être employés. Cela pourrait vouloir dire limiter la taille des acteurs individuels du marché, ou mettre en place un monopole étatique. Les restrictions sur la publicité, les exigences d’étiquetage sur les méfaits pour la santé et les investissements en éducation publique sont des contrôles réglementaires qui n’encouragent pas une vaste industrie commerciale, et qui peuvent être utilisés.
- Il est encore trop tôt pour déterminer si les marchés récemment réglementés au Colorado, dans l’État de Washington et en Uruguay seront témoins d’un scénario de marijuana industrielle à grande échelle. Ces juridictions ont toutefois utilisé des contrôles réglementaires plus stricts que ceux du tabac lors des décennies passées, y compris des restrictions sur les quantités vendues et la publicité/promotion (Gutierrez et Pardo, 2015; Pardo, 2014). L’Uruguay, par exemple, a interdit la publicité sur le cannabis (Gutierrez et Pardo, 2015; Pardo, 2014). L’usage de tels contrôles réglementaires stricts diminue la probabilité d’un scénario de marijuana industrielle à grande échelle.
État de la preuve
Les élans vers la réglementation du cannabis dans de nombreux États américains ont suscité des allégations au sujet de l’ouverture à un scénario de marijuana industrielle à grande échelle. La prémisse est que la réglementation du cannabis mènerait nécessairement à une vaste industrie à but lucratif, peu surveillée et peu soucieuse de la santé et de la sécurité publiques (Lopez, 2015), faisant écho à l’influence négative de l’industrie du tabac, à celle de l’alcool ou de l’industrie pharmaceutique. Cette allégation est essentiellement non appuyée par des preuves. Elle reflète cependant une inquiétude raisonnable que la mise en place de systèmes à but lucratif pour la réglementation du cannabis inciterait l’arrivée d’intérêts privés agressifs cherchant à maximiser les profits en vendant autant de cannabis que possible, en se souciant peu des impacts négatifs potentiels pour la santé publique.
Le tabac, au cours de décennies antérieures en Amérique du Nord, a fait l’objet de publicités soutenues et est devenu une source importante de conditions de santé et de mortalité évitables (Richter et Levy, 2014). À la lumière de cette expérience, il a été tenu pour acquis que la réglementation du cannabis mènera à une situation similaire, comprenant de la publicité (visant surtout les jeunes) et de la tromperie venant de l’industrie quant aux risques de l’usage pour la santé. Ces inquiétudes, toutefois, traitent d’un problème potentiel, et non avéré. Cela est dû à l’absence de données des États américains qui ont déjà réglementé le cannabis. Il est à noter qu’aux Pays-Bas, un état dont la réglementation de facto du cannabis existe depuis longtemps, on rapporte peu d’inquiétudes quant à une grande industrie du cannabis, sinon aucune. Cela pourrait toutefois être dû au fait que la production de cannabis demeure techniquement criminalisée aux Pays-Bas.
L’inquiétude que la réglementation mènera inévitablement à un scénario d’industrie à grande échelle tient pour acquis un contrôle gouvernemental plus faible que ce qui est possible en vertu de la réglementation du cannabis. Les restrictions sur la publicité, les exigences d’étiquetage sur les méfaits pour la santé et les investissements en éducation publique sont des contrôles réglementaires qui n’encouragent pas une vaste industrie commerciale, et qui peuvent être adoptés. Dans une étude comparative des politiques du Colorado, de l’État de Washington et de l’Uruguay, Pardo a résumé les nombreux règlements et lois qui restreignent, par exemple, les quantités vendues, l’âge de l’acheteur, les pratiques de culture commerciale, de traitement, de publicité et de promotion, ainsi que les ventes par Internet (Pardo, 2014). L’Uruguay, par exemple, a interdit la publicité sur le cannabis (Pardo, 2014). En plus de l’usage de tels contrôles réglementaires stricts, limiter les acteurs du marché peut aussi diminuer la probabilité d’un scénario de marijuana industrielle à grande échelle. Par exemple, la taille du marché en Espagne et en Belgique a été limitée par un modèle de « club social pour le cannabis », dans lequel les organisations non commerciales sont seules à avoir le droit de cultiver du cannabis et de le distribuer à leurs membres (Decorte, 2015).
Références
- Gutierrez, A., & Pardo, B. (2015). A Comparison of the world’s first three jurisdictions to legally regulate marijuana: Colorado, Washington and Uruguay. Washington DC : Drug Policy Alliance.
- Hughes, T. (2015). Will Big Tobacco become Big Marijuana? USA Today. Tiré de http://www.usatoday.com/story/money/business/2015/04/11/cigarettes-and-m...
- Pardo, B. (2014). Cannabis policy reforms in the Americas: A comparative analysis of Colorado, Washington, and Uruguay. International Journal of Drug Policy, 25(4), 727-735.
- Richter, K.P., Levy, S., 2014. Big marijuana - Lessons from big tobacco. New England Journal of Medicine 371, 399-401.
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