L’échec de la guerre contre la drogue
En plus de cent ans la prohibition mondiale des drogues a clairement failli. La lutte antidrogue face à ses échecs et à leur déni
Pierre-Arnaud Chouvy
Dans Après-demain 2017/4 (N ° 44, NF), pages 44 à 45
En plus de cent ans la prohibition mondiale des drogues a clairement failli. Même s’il reste impossible de déterminer avec certitude si, et dans quelle mesure, elle a permis de limiter la production illégale de drogue ou si elle l’a au contraire dynamisée en raison de la rentabilité de la transgression. Il est en revanche acquis que les cultures illégales de pavot à opium, de cocaïer, ou encore de cannabis n’ont pu être supprimées ou même réduites de façon significative, ni à l’échelle mondiale, ni dans la plupart des pays producteurs traditionnels (Afghanistan, Birmanie, Colombie, États-Unis, Maroc, Mexique, Pérou, etc.).
Guerre contre la drogue et développement alternatif
1- Dès les premiers pas du régime prohibitionniste (1909), et tout particulièrement depuis qu’en 1971 le président des États-Unis Richard Nixon a élevé l’abus de drogue au rang d’« ennemi public numéro un » des États-Unis et déclaré la « guerre contre la drogue », les politiques menées à l’échelle mondiale ont eu pour principal objectif la réduction de l’offre de drogue. Mais c’est justement au début des années 1970 que la culture agricole et la consommation de drogues sont reparties à la hausse, les zones de production se diversifiant et la disponibilité des produits illégaux sur le marché mondial augmentant nettement, y compris en termes de prix et de qualité. La production de cocaïne, de cannabis et d’héroïne reste en effet encore aujourd’hui une activité conséquente sinon majeure en Colombie, au Pérou, au Maroc, en Afghanistan, en Birmanie, au Laos, en Inde, etc.
2- Nombre d’observateurs ont imputé cet échec à la prohibition elle-même dès lors que le caractère illégal des activités de production et de commerce des drogues assurait leur rentabilité et donc leur attractivité. Mais l’échec des politiques antidrogues est aussi dû à la priorité, tant politique que financière, qui a été donnée à la réduction de l’offre plutôt qu’à la réduction de la consommation, la prise en charge médico-sociale des consommateurs de drogues illégales étant finalement bien plus efficace et rentable que la répression de la consommation de drogue, et davantage encore que les tentatives de réduction et de suppression des productions agricoles de drogues illégales à la source. Surtout, l’échec des politiques antidrogues peut être attribué à la façon même dont la réduction de l’offre a été conçue et entreprise depuis le début des années 1970. La « guerre contre la drogue » a en effet très largement privilégié la répression des paysanneries que la prohibition internationale a criminalisées. Et l’éradication forcée des cultures illégales de cannabis, de coca et de pavot à opium a bénéficié de financements sans comparaison avec ceux des politiques de développement économique (cultures de substitution puis développement alternatif).
3- L’échec des politiques d’interdiction et de suppression des productions et des trafics associés est flagrant à l’échelle mondiale, les interdits de production n’étant pas viables (géo)politiquement, les actions de lutte antidrogue étant inappropriées (campagnes d’éradication forcée difficilement réalisables du point de vue pratique, contre-productivité économique des actions purement répressives, projets de développement alternatif mal conçus et aux calendriers inadaptés, etc.), insuffisamment financées et mal gérées (pas ou peu d’évaluation donc pas ou peu de leçons tirées des échecs). Prohibitions nationales et internationale difficilement applicables, campagnes d’éradication impraticables et programmes de développement inadaptés n’ont pas su endiguer la production illégale d’opium en Asie, de coca en Amérique latine, ou encore de dérivés du cannabis sur tous les continents (notamment en États-Unis, au Maroc, en Inde…).
La lutte antidrogue face à ses échecs et à leur déni
4- L’échec de la prohibition et des politiques et actions antidrogue est difficilement accepté par les principaux acteurs de la lutte contre la drogue et la guerre contre la drogue – justifiée et encouragée par une idéologie prohibitionniste réduisant à néant toute approche rationnelle de la question des drogues – se voit continuellement reconduite et renforcée au lieu d’être révisée. Les échecs de la prohibition et de la guerre contre la drogue se répètent depuis des décennies dès lors qu’ils ne débouchent sur aucune remise en question de leurs fondamentaux et de leur idéologie sous-jacente, seulement à un renforcement de moyens jugés insuffisants.
5- La guerre contre la drogue a été vigoureusement promue par l’administration Reagan (1981-1989), laquelle a contribué à la militarisation renforcée de la lutte contre un trafic qualifié de « menace contre la sécurité nationale » par le Président américain. Des milliards de dollars ont depuis été dépensés par les administrations suivantes, principalement en Amérique latine mais aussi en Asie, pour financer les patrouilles des Marines le long de la frontière mexicaine, la livraison d’hélicoptères d’attaque à la dictature birmane (18 entre 1974 et 1978), ou encore les unités paramilitaires de lutte antidrogue de l’Afghanistan post-Taliban. À ce jour, le « Plan Colombie » reste le programme antidrogue le plus onéreux jamais financé par les États-Unis : 4 milliards de dollars entre 2000 et 2005, dont 80 % attribués à la police et à l’armée colombienne contre seulement 8 % au développement alternatif. L’efficacité du « Plan Colombie » est loin d’avoir été à la hauteur de son financement. Malgré des épandages aériens de glyphosate les plus vastes de l’histoire de l’éradication forcée, la Colombie comptait ainsi 13 200 hectares de coca de plus en 2006 qu’en 2005 (157 200 hectares).
6- L’Afghanistan fournit bien sûr un autre exemple de l’échec des politiques et des actions antidrogue : ni les interdits répétés (hormis celui imposé par les talibans en 2000), ni les opérations d’éradication forcée, ni les projets de développement alternatif n’ont pu empêcher l’augmentation importante de la production d’opium. Malgré plus d’une décennie d’efforts menés par différents acteurs de la communauté internationale et en dépit des fortunes dépensées dans la reconstruction de l’État afghan, la production d’opium y est passée de 4 565 tonnes en 1999 à 8 200 tonnes en 2007 (davantage que la production mondiale totale l’année précédente : 6 610 tonnes en 2006). En 2013, si la production avait baissé (5 500 tonnes) en raison de facteurs climatiques, les superficies cultivées en pavot, elles, n’avaient jamais été aussi vastes : les 209 000 hectares cultivés illégalement (36 % de plus qu’en 2012) témoignaient alors toujours du faible contrôle politico-territorial de l’État et des succès pour le moins mitigés d’une lutte antidrogue qui n’a toujours pas porté ses fruits en 2016 (201 000 hectares de pavot et 4 800 tonnes d’opium).
Éradication forcée vs. développement alternatif
7- Mais l’histoire du développement économique en tant qu’outil de lutte antidrogue (le « développement alternatif ») montre clairement que cette approche n’a elle aussi que très rarement permis de réduire ou de supprimer des productions agricoles illégales de drogues, que ce soit à l’échelle nationale ou mondiale.
8- En dépit de ses résultats décevants, le développement alternatif ne peut toutefois pas être rejeté en bloc. On peut en effet raisonnablement estimer que son échec est imputable à la faiblesse des méthodes et des moyens financiers mis en œuvre plus qu’à la logique qui le sous-tend. De fait, le développement alternatif ne semble pas avoir failli parce qu’il constituait une stratégie inadaptée mais parce que la réduction des productions agricoles illégales a trop souvent été dissociée des questions de développement économique. La pauvreté constitue la cause première du recours à la production agricole de drogues. Or les paysans de la drogue ont longtemps été perçus, et le sont encore trop souvent, non comme des victimes du sous-développement économique mais comme des criminels, ce qui explique la priorité donnée à l’interdiction et à la répression par rapport au développement dans les stratégies de lutte antidrogue. Ainsi, comme ce fut encore le cas en Afghanistan lors de la dernière décennie, l’immense majorité des moyens humains et financiers consacrés à la lutte antidrogue a été utilisée pour concevoir, mettre en œuvre et renforcer une batterie de mesures répressives qui aggravent la pauvreté des régions productrices de cannabis, de coca, et de pavot, au lieu d’y remédier.
9- Le déploiement du développement alternatif a été entravé par diverses contraintes économiques, politiques, et idéologiques. Néanmoins, les quelques expériences positives auxquelles il a donné lieu permettent de penser que cette approche recèle un potentiel encore non exploité. On ne peut en dire autant des stratégies répressives, qui ont été conduites pendant près de quatre décennies à des échelles et avec des moyens dont le développement alternatif est loin d’avoir bénéficié. C’est notamment le cas des programmes d’éradication forcée qui, en aggravant la pauvreté des paysans pourtant reconnue comme l’une des principales causes du recours à la production agricole de drogues illégales se révèlent non seulement inefficaces mais contre-productifs.
Mis en ligne sur Cairn.info le 06/10/2017
https://doi.org/10.3917/apdem.044.0044
Cannabis: bientôt 105 ans de guerre perdue par la France.
Bientôt ce triste anniversaire !
Le 12 juillet 1916, passait la loi « concernant l’importation, le commerce, la détention et l’usage de substances vénéneuses, notamment l’opium, la morphine et la cocaïne », qui pénalisait pour la première fois l’usage en société et la consommation personnelle.
105 ans de criminalisation, emprisonnement, ségrégation, stigmatisation de campagnes de terreurs mensongères, perte de vies, de temps, d'argents et surtout 105 ans de privation d'un médicament efficace tout en faisant du chiffre sur le dos de simple consommateurs et possesseurs. A l'origine ce sont de cupides dealmakers racistes, homophobes, misogynes de pharmaceutiques (devenus des fléaux mondiaux) de pétrolières (plastiques fléaux mondiaux environnementaux) à qui le cannabis, industriel, thérapeutique et récréatif enlevait d'énormes profits.
Le bon vieux temps des party en France
Little Cannabis Cup in France Docu.avi
https://www.youtube.com/watch?v=97x1M3loa2s
1000 participants qui ont fumé des tonnes de cannabis gratuitement.
Et consommé des truffes, gâteau, et des têtes confites spécialité du chef.
Aucune violence !
Pour le Québec je n'ai pas trouvé d'images/vidéos des grosses orgies de volutes de fumée de glandular hash maison
HISTORIQUE
La campagne d’Égypte est l'expédition militaire en Égypte menée par le général Bonaparte et ses successeurs de 1798 à 1801, afin de s'emparer de l'Égypte et de l'Orient, et ainsi bloquer la route des Indes à la Grande-Bretagne dans le cadre de la lutte contre cette dernière. Elle était en effet l'une des puissances à maintenir les hostilités contre la France révolutionnaire.
Elle se double d'une expédition scientifique, de nombreux historiens, botanistes, dessinateurs accompagnant l'armée afin de redécouvrir les richesses de l'Égypte. Elle est donc parfois aussi appelée « expédition d’Égypte », lorsque son côté scientifique, moins martial, est considéré.
La faune et la flore font l’objet d’une attention particulière de la part des naturalistes de la Commission. Ils tentent de décrire, aussi complètement que possible, toutes les espèces qui se trouvent en Égypte. Les spécimens sont scrupuleusement identifiés, dessinés, voire collectés.
Les botanistes ils disent quoi sur le cannabis richesse de l'Égypte qui sert toujours à fabriquer le hash ?
https://www.newsweed.fr/100-ans-de-prohibition-francaise/
100 ans de prohibition française
Publié Il y a 5 ans le 12 juillet 2016
Par Aurélien BERNARD
Il serait finalement temps de se rendre compte de l’ineptie de ces lois et de la nécessité de les réformer à la lumière des usages modernes, des expériences étrangères et des avancées scientifiques.
Edito.
C’est un triste anniversaire. Il y a tout juste 100 ans, le 12 juillet 1916, passait la loi « concernant l’importation, le commerce, la détention et l’usage de substances vénéneuses, notamment l’opium, la morphine et la cocaïne », qui pénalisait pour la première fois l’usage en société et la consommation personnelle.
Cent ans plus tôt, les campagnes napoléoniennes ont joué un grand rôle dans le développement de la consommation d’opium, partant de Chine, et de haschisch, ramené en France après la Campagne d’Egypte. L’opium est consommé dans des fumeries plus ou moins clandestines, d’abord à Toulon et Marseille, puis dans les villes portuaires de l’ouest de la France, et enfin à Paris et à Lyon. La capitale aurait compté jusqu’à 1200 fumeries en 1914. En 1912, la Convention de l’opium de La Haye appelle à renforcer la lutte contre le trafic d’opium et la nécessité pour chaque pays de se doter d’une législation restreignant l’usage des « narcotiques », et de contrôler la production et la distribution de l’opium, de la morphine, de l’héroïne et de la cocaïne.
La haute société utilise, elle, la morphine pour « tromper l’ennui » de ses longues soirées. La cocaïne et l’héroïne sont disponibles en pharmacie et utilisées médicalement pour traiter les douleurs ou pour anesthésier. Des dérives d’usage sont rapidement constatées, alors que ces deux substances sont rapidement remplacées par des produits de synthèse plus efficaces et moins dangereux.
1916, c’est aussi la Première Guerre Mondiale. En pleine guerre, les Gueules Cassées des Ardennes, de la Marne ou de Verdun, étaient soignées à la morphine et à l’opium, alors prescrits médicalement pour soigner la douleur. On assiste ici à des « épidémies » de toxicomanie chez les soldats démobilisés. Des rumeurs circulent aussi dans les tranchées, reprises par les journaux populistes de l’époque : les Allemands distribueraient de la cocaïne aux Français pour avancer plus rapidement. La coco devient alors la « drogue des boches », un danger pour les individus mais aussi pour la Nation.
En 1868, le Royaume-Uni légifère spécifiquement sur les stupéfiants, alors que les Etats-Unis adoptent le 17 décembre 1914 le « Harrison Act », la première législation restrictive sur l’emploi de substances stupéfiantes. La France se dote elle de sa propre législation le 12 juillet 1916, amendée du délit de « détention » le 14 septembre de la même année, puis renforcée en 1922 et 1939, pour créer la loi la plus restrictive d’Europe. Les substances prohibées sont inscrites dans trois tableaux A, B et C. Le tableau B est constitué des « stupéfiants », seulement définis par la liste suivante : « opium, extraits et poudre, morphine et ses sels, héroïne et ses sels, cocaïne et ses sels, haschich et ses préparations ». Elle punit les vendeurs, les pharmaciens accusés de fausse ordonnance et les consommateurs d’une peine d’emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de 1000 à 10 000 francs.
Dans une thèse de droit soutenue en 1932, Adrien Aubry met en avant la portée liberticide de cette loi. En incriminant l’usage en société, l’Etat supprime les principes de liberté individuelle et de non-intervention des pouvoirs publics dans les choix de consommation personnels. La question avait d’ailleurs été soulevée lors de la préparation de loi de 1916, mais les parlementaires s’étaient inclinés au nom de la « nécessaire répression » et des « attentes légitimes de l’opinion publique ».
Autre contestataire, Antonin Artaud dans sa « Lettre à Monsieur le législateur de la loi sur les stupéfiants ». Il dénonce tardivement (en 1925) la loi, et surtout le fait qu’un toxicomane arrivera toujours à se fournir, même si la substance est interdite.
Alors que le XIXème siècle avait été celui des découvertes par l’Occident des substances « stupéfiantes », le XXème sera donc celui de leur radiation. En France, la loi du 31 décembre 1970, est la digne héritière de la loi de 1916. Elle se place sous le signe de la lutte de la toxicomanie et installe un double-système de mesures coercitives. L’usager est considéré comme un délinquant et un malade, et est passible d’un an de prison pour usage simple. Elle sanctionne également la production, la vente et la cession de stupéfiants. Et n’aura été finalement que le cache-misère du développement de la French Connection et du commerce illégal de l’héroïne dans les années 70.
La France n’a pas su plus que les autres pays occidentaux endiguer le trafic de drogue. Il est même aujourd’hui plus grand que jamais, alors que les Douanes se félicitent jour après jour de leurs saisies. Malgré les lois de 1916 et de 1970, la France est aussi le pays européen qui consomme le plus de cannabis. Il serait finalement temps de se rendre compte de l’ineptie de ces lois et de la nécessité de les réformer à la lumière des usages modernes, des expériences étrangères et des avancées scientifiques.
9- Le déploiement du développement alternatif a été entravé par diverses contraintes économiques, politiques, et idéologiques.
Ex: Les prohibitionnistes dealmakers cupides qui avaient exigé la destruction de la culture de plantes illicites à l'époque et de la remplacer par une culture alternative comme le cacao en ont fait chuter les prix.
Culture de cacao:
Énergivore et chronophage*, la culture du cacao n'est pas rémunératrice. Pire, elle aggrave la pauvreté des producteurs dans certains pays où les coopératives sont peu robustes. 30 avr. 2020
Chronophage: Qui prend beaucoup de temps
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