Préface
Par Louise-Caroline Bergeron et Caroline Doyer
Activistes et co-Fondatrices du Club Compassion de Montréal
Malgré l'ubiquité sans cesse croissante de l'information dans nos vies, et malgré la multiplication des moyens de communication, il est difficile voire impossible dans notre société actuelle de débattre en profondeur de quelque question que ce soit dans une arène publique. Si l'on considère que la télévision, la radio et les journaux sont encore les médias les plus populaires et les meilleures tribunes pour rejoindre une large portion de la population, on pourrait croire qu'avec la couverture médiatique dont jouit le Club Compassion de Montréal, depuis son ouverture le ter octobre 1999, ses dirigeants aient déjà eu maintes fois l'opportunité de faire connaître leur point de vue et la philosophie qui sous-tend cette entreprise. Pourtant, ce n'est pas du tout le cas.
Il est facile de perpétuer des préjugés, mais ô combien difficile, long et frustrant de vouloir les détruire. Vu les contraintes médiatiques habituelles (émettre son idée entre deux messages publicitaires, aller droit au but de son intervention, être articulé et capable de vulgariser des idées ou des enjeux parfois forts complexes en quelques phrases brèves, omniprésence de l'image, concrète ou figurée, pour illustrer, répéter ou remplacer les propos, etc.), le Club Compassion de Montréal n'a jamais pu faire connaître qu'une étroite bande du vaste spectre des idées qui y circulent.
«Manifeste» est peut-être, dans son entendement courant, un terme inadéquat pour décrire ce petit document. Ce terme s'est néanmoins imposé à nous parce que ce document est notre première opportunité de faire connaître publiquement, de manifester, les lignes de pensée de ceux et celles qui ont contribué, de près ou de loin, à mettre sur pied et à diriger le Club Compassion de Montréal (CCM).
Avec le procès, qui commence sous peu, des deux bénévoles arrêtés sur les lieux le 19 février dernier, et dans le cadre d'une campagne électorale fédérale — niveau de juridiction où se joue présentement l'avenir du cannabis — nous croyions le moment idéal pour contribuer à faire réfléchir nos concitoyens sur différents thèmes plus ou moins intimement liés à notre initiative. Car la question du cannabis thérapeutique a peu à voir avec ceux qui s'en sont le plus mêlés, c'est-à-dire les forces policières. À notre avis, elle a beaucoup à voir par contre avec la définition et la valeur de la santé dans notre civilisation et la gestion sociale que nous faisons de celle-ci; avec les questions du plaisir et de la douleur et de nos attitudes communes face à celles-ci; avec l'établissement du lieu d'équilibre entre prévention et répression, et aux moyens qu'on privilégie pour l'atteindre et le maintenir; avec la question de l'appropriation de la nature, notamment par la demande et l'obtention de brevets sur les plantes et les aliments; avec notre degré de (dés)information sur les enjeux qui touchent notre survie (qualité de l'air, de l'eau, contamination de la croûte terrestre, manipulation de la vie et de la matière en général, pollution à l'échelle globale, etc.); à notre (absence de) réflexion spirituelle (Y a-t-il un aspect divin ou spirituel à la vie? Existe-t-il un patrimoine de l'humanité? Si oui, qui ale droit de le régir? L'attitude face à la nature diffère-t-elle selon la philosophie ou la religion? Si oui, laquelle adopter au sein d'une société pluraliste? Etc.); avec les valeurs que nous voulons voir représentées par nos gouvernements; avec les questions des droits de la personne, des animaux et peut-être même des plantes! Enfin, pour celles et ceux qui appuient le CCM, la question de l'usage thérapeutique du cannabis n'est qu'un petit élément d'un grand questionnement, invariable d'échelle, qui n'a cessé de croître en urgence et ne cesse d'être reporté depuis l'explosion technologique et industrielle: le questionnement sur la Vie.
Ce manifeste lui-même n'est qu'une partie d'un livre plus complet en préparation pour le printemps 2001. De nombreuses personnes ont contribué à sa réalisation et la liste des auteurs est longue mais nous voulons en nommer les principaux et les remercier de tout coeur: Mélanie Ricard, Benoît Jutras, Sylvain Janneteau et surtout Louis-Frédéric Pagé qui s'est en plus occupé de tout le «touraillage»...
Plusieurs personnes ont été touchées à différents niveaux par les activités du CCM, soit en bénéficiant de nos services, soit en collaborant avec nous. Certaines autres ont vu leur vie changer alors qu'elles subirent, et subissent encore, la surveillance ou l'intimidation policière, ou qu'elles ont carrément été arrêtés pour leur bénévolat. Quelques-unes d'entre elles ont voulu contribuer par un témoignage personnel. Nous nous sommes fait le plaisir et l'honneur de les inclure à la suite du texte principal.
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