Les politiques actuelles sur les drogues – 4. Tendances contradictoires

Contradictions entre les institutions juridiques et de santé, et entre le national et le local

C'est ainsi que tant au Canada, en Australie, que dans plusieurs pays d'Europe, on constate des tendances contradictoires entre les politiques juridiques et les politiques en matière de santé, et entre le national et le local. Les ministères de la Justice nationaux, sous la pression américaine à travers les Conventions internationales et de certaines industries et bureaucraties qui bénéficient de la prohibition actuelle de certaines drogues, poursuivent l'approche répressive traditionnelle. De leur côté, les ministères de la Santé, avec la collaboration du communautaire et de plus en plus des polices locales, forcent la voie vers l'approche de réduction des méfaits. Résultat, dans la plupart des pays occidentaux (à l'exception des Pays-Bas) on peut vous arrêter pour simple possession de cannabis - car vous relevez de la justice - et vous fournir les seringues pour consommer votre héroïne ou votre cocaïne si vous êtes usagers de drogues par injection (UDI) – car vous relevez de la santé. Face à ces contradictions institutionnelles d'où découlent des actions contradictoires sur le terrain, les instances juridiques locales commencent à réagir pour diminuer les pratiques de répression. Mais leur pouvoir d'action, bien sûr, est limité. D'ailleurs, le procureur Cain, après s'être prononcé en faveur d'une politique de réduction des méfaits en Colombie Britannique et avoir déduit ouvertement que la légalisation des drogues en était la conséquence logique, reconnaît la difficulté d'en arriver à ce changement des lois :

La légalisation est un enjeu complexe qui, même si nous voulons solutionner des problèmes locaux, n'est pas une stratégie qui relève uniquement de la Colombie Britannique. Cet enjeu dépasse les frontières canadiennes et même nord-américaines. Cela implique une perspective internationale et ce, même au niveau juridique. Les lois canadiennes et les conventions internationales des Nations Unies nous gouvernent, mais cela ne doit pas nous amener à oublier la réalité de la situation en Colombie Britannique. Nous vivons le problème et nous devons tout faire pour le solutionner, dès maintenant. À cet effet, je recommande l'établissement d'une commission ayant pour mandat d'examiner et de confronter ces aspects juridiques du problème, parmi bien d'autres choses. Le problème doit être considéré non seulement à la lumière des morts associées à l'héroïne ou à la cocaine, mais en considération de l'ensemble des drogues illicites disponibles, i.e. à la fois les drogues dites « douces » et « dures ». (p.VI-notre traduction).

La légalisation ne doit pas être considérée comme la panacée ou la solution aux problèmes d'abus de drogues en Colombie Britannique ou dans le reste du pays. Elle ne résorbera pas tous les comportements criminels et anti-sociaux commis par les toxicomanes endurcis. Je ne crois pas davantage que la légalisation accroîtra l'incidence de ces comportements. Au contraire, ce que cela ferait est de créer cette nécessaire percée d'opportunités pour les toxicomanes qui ont perdu espoir et leur redonnerait la liberté de choix. (p.88-notre traduction).

L'Avis du CPLT ouvrait également la porte à ce débat par ses demandes de changements d'objectifs de la politique québécoise en toxicomanies, même si cela fut fait de manière moins explicite que dans le rapport Cain.